[DOSSIER] Dans les salons spécialisés ou à domicile, se faire masser est de plus en plus tendance sur les bords de la lagune Ebrié. Mais problème : au-delà du bien-être qu’il est censé procurer, savez-vous qu’un massage prodigué par des mains ‘’profanes’’ peut être le plus court chemin…vers la mort ?
Commençons par de larges extraits des réactions et réponses à notre question lors du micro-trottoir initié à cet effet :
*« Entre nous, on ne va pas dans les salons de massage ou chez le kiné pour les mêmes motifs. C’est tout le fond du problème. Si on doit prendre maintenant rendez-vous chez un kiné quand on a envie de se relaxer…pour moi ce n’est pas son boulot. Bref, à mon avis, l’info est mal foutue et même si c’est déjà arrivé quelque part, on ne doit pas en faire une généralité. » Martine G.T
* « En tout cas, à ce que je sache, un kiné est un rééducateur, pas un prestataire de détente… » Francis Koulou K
* « Récemment, j’ai entendu des kinésithérapeutes à l’émission C’Midi, (RTI 1, Ndlr), parler de cela. Eh bien, je vais dire à mon mari d’arrêter de me masser, on ne sait jamais ! (Elle éclate de rire). Mais soyons sérieux ! Ils (les kinés, Ndlr) sont ridicules, à vouloir le beurre, l’argent du beurre !… Les massages de détente ont toujours existé et ne doivent pas être détournés comme ça ». Géraldine V.
* « Oui, bien sûr que le « massage » familial existe, mais à mon avis, vous allez stopper votre mari s’il vous fait mal, ou si vous trouvez que la force est trop importante. A l’inverse, s’agissant d’un « pro » avec une blouse et toute la mise en scène, vous allez laisser faire un peu plus avant de réagir. Après tout, « chacun son métier » ! Et puis, avec un peu d’huiles essentielles pour faire passer, ça ne risque rien : c’est que du naturel et ça sent bon… » Sidibé H.
* « Mais on ne va pas chez l’esthéticienne ou dans un salon de massages pour se faire soigner suite à un traumatisme ! Je me fais souvent des massages chez une esthéticienne et aucune ne m’a encore fait de manipulations des vertèbres ou du cervical, il ne manquerait plus que ça… » Corine B.
* « Si certains pensent que c’est n' »importe quoi », moi, je m’étonne que certaines pratiques normalement réservées aux professionnels de santé soient librement pratiquées par d’autres professions sans que l’État ne réagisse. Pour être clair, les massages, ce sont les kinés diplômés d’état qui savent les faire en respectant la physiologie humaine, pas les esthéticiennes ou ces salons de massages qui poussent partout à Abidjan, mais bon… après tout, libre à chacun de confier son corps à qui il veut, mais ça vaut toujours le coup d’être un peu informé… » Noël D.
A la lumière des spécialistes
Tous les spécialistes – on les appelle kinésithérapeutes – sont formels : se faire masser dans un de ces salons de massage ou de beauté qui fleurissent dans Abidjan et même à l’intérieur du pays peut être le plus court chemin vers l’hôpital. D’abord. Vers la mort. Si l’on a moins de chance. Sous nos cieux, a priori, la probabilité que les médecins puissent établir un lien entre un massage et la crise d’un patient est quasi nulle.
A cet effet, l’expérience vécue par Elisabeth Hughes, 51 ans, infirmière dans le Hampshire au Royaume-Uni après son passage dans un institut de beauté en 2010 passe comme un cas d’école que la plupart des kinés rappellent pour appuyer leur mise en garde : « Le massage, c’est une affaire de professionnels. Le corps humain est une machine trop complexe pour que vous le confiiez à n’importe qui. Surtout pour ce qui du massage qui consiste en des pressions plus ou moins appuyés de certaines parties du corps », apprend-on de ces professionnels.
Et pour cause : Elisabeth Hughes, une infirmière britannique de 51 ans, a fini à l’hôpital suite à un mauvais massage du cou en 2010. La femme s’est en effet rendue dans un institut de beauté afin de profiter de soins « détente ». Exactement comme on en voit à Abidjan, les week-ends notamment. Après des soins du visage, elle est dirigée vers une esthéticienne qui commence à lui masser le cou.
Elisabeth Hughes explique : « J’ai eu soudainement mal au côté droit comme pour une douleur musculaire. Je l’ai mentionné, mais l’esthéticienne a mis ma tension en cause et a continué son massage. Je pensais qu’elle devait savoir ce qu’elle faisait. A la fin, 45 minutes plus tard, j’avais toujours mal et ce jusqu’à la fin de la journée. J’ai dû prendre des antidouleurs en rentrant », explique-t-elle.
Une semaine plus tard, Elisabeth Hughes se retrouve à l’hôpital, victime d’un AVC. Après un scanner, les médecins confirment le lien avec le soin : « L’expert m’a expliqué que ma carotide – l’artère principale qui descend le long du cou – avait été sectionnée, faisant sortir un caillot de sang qui a mis une semaine à remonter jusqu’à mon cerveau. J’ai mentionné le massage douloureux…il m’a tout de suite dit que c’était ça ».
Aujourd’hui, si Elisabeth Hughes a heureusement pu être sauvée, elle a tout de même perdu l’usage d’une de ses mains et a du mal à avaler. Selon elle, les masseurs présents dans les instituts de beauté n’ont pas de formation médicale pour effectuer ces massages, à l’inverse de professionnels de santé comme les kinés. « Les règles de l’industrie de la beauté doivent changer. Le cou est une zone très délicate et quiconque le masse doit être renseigné sur sa vulnérabilité » ajoute-t-elle.
Selon les kinés qui, tout au long de nos interrogations se sont montrés des plus alarmistes, les professionnels de la beauté et les masseurs employés des salons de massage qui pullulent à Abidjan n’ont pas de formation médicale pour effectuer ces massages, à plus forte raison pour éviter les zones sensibles dans le corps comme le feraient des professionnels de santé que sont les kinésithérapeutes.
« Par exemple, pour les soins du visage comme les femmes aiment le faire, il faut qu’elles fassent attention, soient attentives et disent immédiatement si elles sentent que quelque chose ne va pas. Le cou par exemple est une zone très délicate et quiconque le masse doit être renseigné sur sa vulnérabilité. Or, ce n’est pas le cas pour les employés de ces salons », nous instruit David E.
Par Ameday KWACEE