Installé en Côte d’Ivoire depuis plus de dix ans, Stanislas de Stabenrath n’est pas un expatrié comme les autres. À la tête de X&M Suppliers, une entreprise spécialisée dans la fourniture industrielle pour le secteur minier, cet homme d’affaires d’origine française s’est peu à peu mué en véritable mécène culturel. Son engagement personnel et financier au service du Biama, un genre musical émergent né dans les quartiers populaires d’Abidjan, en fait aujourd’hui l’un de ses plus fervents ambassadeurs.
Tout commence à la fin des années 1990, alors que Stanislas débarque jeune en Côte d’Ivoire. Il s’immerge dans la scène reggae du district d’Abidjan, fréquente les artistes, et se laisse rapidement séduire par l’énergie de la culture ivoirienne. Cette passion ne le quittera plus.
Aujourd’hui, il organise régulièrement des évènements de réseautage où la culture locale occupe une place centrale, avec un accent particulier mis sur le Biama. Chorégraphes, danseurs et artistes de ce courant y trouvent une visibilité précieuse ainsi qu’un accompagnement structuré, à la fois artistique et technique, de la part du Franco-Ivoirien.
L’histoire prend une tournure décisive lors d’un tournoi de rugby organisé à Songon, dans la commune de Yopougon, par le Cocody Rugby Abidjan Club (CRAC). C’est là, en marge de la compétition, que Stanislas croise pour la première fois le chemin du Biama, au détour d’une danse improvisée par un enfant du quartier. Ce moment sera le point de départ d’une aventure humaine et culturelle hors du commun.
Comment votre histoire avec le Biama a-t-elle commencé ?
Pendant la pause d’un tournoi de rugby à Songon, j’ai aperçu un enfant, Moussacko, qui dansait avec une synchronisation parfaite sur un morceau qui m’a immédiatement capté. Instinctivement, je me suis approché pour le filmer : il fallait que je comprenne cette gestuelle.

Il m’a fallu cinq jours pour le retrouver à Yopougon Sicogi. Après avoir rencontré sa famille, j’ai lancé, avec le soutien de Geodrill, la première “Double Coupe Biama” : un concours destiné à réunir tous les danseurs de la commune et à récompenser le meilleur.
Au début, on me prenait pour un fou : “C’est dangereux, ça ne sert à rien.” Résultat : plus de mille personnes ont envahi les rues de POY, sous l’œil de la presse nationale. Même à mon bureau, où personne n’aimait le Biama, certains de mes collègues dansent aujourd’hui.
Depuis, j’épaule la Team 2 Poy et d’autres groupes : appui technique pour leur concert au Palais de la Culture, programmation au Sirexe 2024 lors de l’Abidjan Mining Drinks… Chaque événement de réseautage que j’organise met désormais en lumière les artistes et chorégraphes du Biama. »*
Concrètement, comment soutenez-vous les artistes ?
Je parraine la Team 2 Poy, que j’ai d’ailleurs programmée au Sirexe 2024. À chaque événement de networking que j’organise, je mets en lumière les danseurs et chanteurs Biama. Sans même nous en rendre compte, nous sommes devenus des ambassadeurs : ministères, entreprises minières… tout le monde a entendu parler du Biama grâce à nos actions. Notre rêve : « biamatiser » la Côte d’Ivoire, puis le monde entier.
Qu’est-ce qui vous touche le plus dans ce mouvement ?
C’est une véritable fenêtre ouverte sur la jeunesse ivoirienne. Qu’il s’agisse d’un comptable de la BCEAO ou d’un gamin des rues, tous vibrent pour la même danse. J’ai connu l’âge d’or du coupé-décalé, mais le Biama m’offre aujourd’hui une immersion unique au cœur des quartiers populaires.
Vous apparaissez sur le titre Le Bébé de la Team 2 Poy. Comment est-ce arrivé ? ?
Un soir, au studio de Ben à la Prod, Renard Barakissa m’a proposé de poser quelques chœurs. Le lendemain, Kadyrov enregistrait Le Bébé ; il m’a tendu le micro pour improviser une intro façon match de boxe. Je ne pensais pas me retrouver dans le clip, mais pour Kadyrov et pour le Biama, j’ai joué le jeu. Une expérience inoubliable.
Vous préparez un film sur le Biama. Où en êtes‑vous ?

Je finance le documentaire sur fonds propres. Pas de format imposé : s’il dure 120 minutes, ainsi soit‑il. Première prévue entre décembre 2025 et février 2026. Objectif : raconter l’histoire du Biama, présenter Yopougon, ses danseurs, leurs rêves et leurs difficultés. Les partenariats viendront ensuite.
Comment conciliez‑vous votre entreprise et cette mission culturelle ?
Honnêtement ? Je consacre 90 % de mon temps au Biama en ce moment. Mais c’est un investissement humain qui me nourrit. Et quand on voit l’énergie des jeunes, on comprend que ça en vaut la peine.
Propos recueillis par Bekanty N’Ko