C’est une (jeune) femme accomplie et comblée par un profil de carrière taillé sur mesure. Sa mesure à elle. Car, Diarra Maïmouna Lydie est de l’étoffe de ces femmes qui carburent à l’énergie de la conviction que « the sky is the limit » (‘’le ciel est la limite’’). Une force de propulsion et un goût affirmé pour les challenges qui l’ont porté chez Jumbo, à la manœuvre des ressources humaines pour l’Afrique et le Moyen-Orient. Découverte…
Elle arrive, l’air un rien intimidé, mais étonnamment calme. Hésite à accepter de ‘’boire quelque chose’’. Puis souligne d’un sourire gêné : « Bon, juste un verre d’eau plate si possible, je n’veux pas faire la difficile…» Ce n’est pas une dérobade. Même sa mise vestimentaire le certifie : Diarra Maïmouna Lydie est une femme simple qui ne se la joue pas. Sa philosophie de vie et surtout sa foi religieuse y seraient pour beaucoup, apprendra-t-on. Car, le (presque) conte de fée de cette ivoirienne, mère de deux enfants, dans la gestion des Ressources humaines à l’échelle ‘’multi’’ et ‘’inter’’ nationales est toute une histoire. Longue. Passionnante. Et trépidante. Mais aussi et surtout, une véritable leçon de persévérance qui vaut le détour…
A voir votre pedigree, on pourrait croire que votre nom a toujours rimé avec les Ressources humaines…
(Rires) Mais non. J’ai commencé comme Professeur d’Anglais. Après ma Licence d’Anglais à l’Université de Cocody, j’ai enseigné pendant six ans au collège Notre Dame du Plateau. Là où j’avais moi-même fais mes classes du CE2 jusqu’en Terminale. J’avais 21 ans à l’époque et la routine dans le sens de la redite des cours chaque année, a commencé à m’ennuyer. Il n’y avait plus vraiment de challenge. J’ai commencé alors à passer des tests, j’ai répondu à une annonce dans le journal, j’ai passé tous les tests et c’est ainsi que j’ai été retenue chez Coca Cola.
Pourtant, à part l’enseignement, vous n’aviez aucune expérience en entreprise…
Effectivement, avant cela, on m’avait déjà fait remarquer que je n’avais pas d’expérience en entreprise. Du coup, pendant les vacances scolaires, je cherchais des opportunités et faisais des remplacements en tant que Secrétaire de direction. J’ai pu ainsi avoir ma petite expérience en entreprise. C’est de là que la société pour laquelle j’ai travaillé, Coca Cola West Africa, m’a rappelée pour un poste d’Assistante au département des Ressources humaines. J’ai donc intégré Coca Cola en 1994.
Vous vous rappelez encore votre premier jour de travail comme Assistante ?
Ce jour-là, j’ai eu tout un entretien avec un de mes patrons qui était le directeur de la formation et qui a essayé vraiment, pendant trois à quatre jours, de m’apprendre ce qu’on attendait de moi. C’était complètement nouveau pour moi, donc j’étais super excitée par l’idée d’intégrer ce monde des affaires, du business, du commercial. Et surtout, j’avais d’autres collègues qui faisaient déjà le même travail que moi, donc c’était vraiment la formation…
N’empêche ! Une prof qui vire assistante, à priori, ce n’est pas une progression, vous savez ?
Oui, c’est vrai. Certaines collègues même me disaient : ‘’Toi, un professeur, qu’est-ce que tu viens faire ici à être Assistante ? C’est comme si tu revenais en arrière’’. Je leur répondais : ‘’écoutez, moi j’ai des objectifs dans la vie, j’ai besoin d’avoir des tremplins’’. Pour moi, être Assistante dans une Multinationale, ce n’est pas moins qu’un professeur. Je pense que je gagnais un peu plus chez Coca Cola qu’en tant que professeur. Donc, pour moi, ce n’était pas un recul de statut. Et puis, franchement, les titres, c’est bien, mais ce n’est pas l’essentiel. Il faut pouvoir s’épanouir dans la vie et c’est surtout cela qui m’intéresse.
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De ‘’simple’’ assistante à la direction des Ressources humaines, peut-on parler de ‘’parachutage’’ dans votre cas ?
Oh non ! Chez Coca Cola, j’ai passé 16 ans. Et pendant ces années, je suis passée par plusieurs postes. J’ai travaillé au département qui s’occupait de la rémunération. J’ai fait de l’administration. J’ai aussi fait tout ce qui est relatif aux Ressources humaines comme la gestion prévisionnelle, les carrières, les compétences etc. En gros, j’ai fait toutes mes classes là-bas, en ce qui concerne les ressources humaines. Et lorsque je partais de chez Coca Cola en 2010, j’étais Directrice des Ressources humaines pour la zone Afrique de l’Ouest-Afrique centrale.
Mais qu’est-ce qui a pu motiver ‘’l’oiseau béni’’ à quitter un nid aussi douillet que celui qu’offrait une grosse firme américaine comme Coca Cola ?
(Rire) Mais il y a toujours plus douillet. Il faut parfois oser croire qu’il y a toujours plus douillet. En tout cas, j’avais reçu l’offre d’une société qui produit une marque de cigarette très populaire. L’offre présentait deux avantages principaux pour moi : d’un, c’était un business model différent de celui de Coca Cola, en ce sens que j’avais toute une organisation avec une usine etc. Ce dont je n’avais pas forcément toute l’expérience. De deux, ce poste m’emmenait au Sénégal, un pays que je gérais déjà quand j’étais chez Coca Cola. Sans oublier que j’y ai des racines familiales. Donc, c’était intéressant pour moi d’aller vivre au Sénégal pendant quelques années. Il faut dire aussi que dans ce monde corporate notamment, c’est toujours bon d’avoir une expérience dans un autre pays, vivre ailleurs, se confronter à d’autres cultures, à d’autres personnes… Ça vous donne une autre vision du monde. J’ai passé quatre ans au Sénégal et là-bas aussi, j’ai géré les Ressources humaines Afrique de l’Ouest-Afrique centrale.
A vous écouter, on a l’impression que même en partant au Sénégal, vous aviez encore un plan derrière la tête, du genre : ‘’ J’y vais, parce que ça me permettra d’étoffer mon CV et m’offrir d’autres ouvertures’’…
Bien sûr !
Et qu’avez-vous tiré comme expérience dans l’aventure sénégalaise ?
C’est une société très forte qui m’a appris beaucoup, en termes de relations humaines, en termes de gestion même des ressources humaines à un niveau un peu plus élevé que ce que je faisais avant. J’ai appris énormément en quatre ans et je n’ai même pas vu passer les années. Chaque journée était si bien remplie. Et puis, j’y ai rencontré des personnes extraordinaires, j’y ai gardé de très bons contacts. Lorsque je devais repartir de là, je pleurais, je me disais que j’ai peut-être pris une décision un peu hâtive.
Et vous, que croyez-vous avoir apporté à l’entreprise ?
En quatre ans, on a eu de très bons résultats. En termes de ressources humaines, en termes de mouvements de l’organisation, en termes de mouvements de certaines personnes qui ont évolué. Parce que j’aime bien voir quelqu’un passer d’un point A à un point B, puis X et ainsi de suite. J’aime bien avoir recruté un petit Brain-manager qui devient Directeur général. C’est là tout le plaisir de mon travail de DRH.
Est-ce encore une nouvelle offre qui vous a fait partir du Sénégal ?
Je suis rentrée du Sénégal en Côte d’Ivoire pour des raisons familiales. Ma mère était ici, toute seule, assez âgée et ce n’est pas évident. Elle était venue passer quelque temps chez moi à Dakar, mais elle a dû rentrer ici où elle a ses racines. Donc, j’ai décidé de rentrer. Parce que la famille c’est aussi important.
Au point où vous abandonnez tout pour vous retrouver à Abidjan, sans boulot ?
Oh non, ce n’est pas le cas. En fait, pendant que je me préparais à rentrer, j’ai eu une offre. Du coup, je pouvais faire d’une pierre deux coups : j’ai une offre et je peux me rapprocher de ma mère à Abidjan. Donc, je suis rentrée pour Novartis, une société de produits pharmaceutiques, très populaire aussi sur la place en Côte d’Ivoire. Mais, j’y suis restée juste un an, parce que par la suite, j’ai eu une autre offre chez JB Food, une Multinationale américaine, propriétaire de la marque Jumbo. L’offre m’a intéressée du point de vue de l’envergure de la mission et de ce que ça pouvait m’apporter de plus que ce que j’avais déjà fait. Et cela fait deux mois (l’interview a été réalisé le 17 septembre 2015 : Ndlr), que je suis là, en tant que Directrice des Ressources humaines Afrique et Moyen-Orient. C’est une avancée dans ma carrière.
Dites, ça ne vous a jamais effleuré l’esprit de dire : ‘’c’est bon, je m’arrête là, je n’ai plus envie de continuer à courir’’ ?
Arrêter ? Ça va être difficile, parce qu’alors, ce ne sera plus moi. Je suis du genre – et je crois que je l’ai un peu hérité de ma mère – qui a toujours besoin de se battre, d’aller toujours de l’avant. Ma mère était une sage-femme qui a beaucoup voyagé aussi. Parce qu’elle était réputée être une très bonne sage-femme. J’ai vu ma mère partir en Australie et dans plusieurs autres pays pour se former et pour former d’autres personnes. Je crois que j’ai été un peu influencée par cela. Donc, si aujourd’hui, on me dit : ‘’assieds-toi dans une maison, gère la maison…’’, c’est vrai, j’aime entretenir la maison, faire la cuisine, même si je n’ai plus vraiment le temps d’en faire, mais là, ça ne sera pas moi, je vais être malheureuse.
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Est-ce à dire que là encore, vous vous êtes embarquée dans le jet Jumbo avec un parachute sur le dos, prête à sauter au prochain challenge qu’on vous offrira ?
Non, aujourd’hui, je pense que j’ai suffisamment de challenges là où je suis actuellement. Mais, je peux toujours évoluer là aussi. Je ne suis pas obligée de rester à la même place, vous savez. D’ailleurs, rester à la même place sur trois, quatre ans, ça commence à m’ennuyer. Il faut que j’aie de nouvelles choses, que j’apprenne de nouvelles choses, disons de nouveaux challenges. Et ça peut se faire dans la même boite.
« Plus mon mal est profond, plus mon Dieu est grand ». Comment appréhendez-vous cet enseignement tiré d’un conte ?
C’est très vrai pour moi. C’est vrai que mon Dieu est très grand, parce que tout ce que j’ai pu vivre jusqu’au poste où je suis aujourd’hui, toute seule, je n’aurais pas pu réussir ou tenir le coup. Parce que je ne crois pas avoir vraiment plus de mérite dans ma vie spirituelle. Je pense qu’il y a des gens qui ont des diplômes plus importants que les miens, qui ont plus de moyens, qui ont fait de meilleures études, qui sont plus intelligents, mais qui n’ont pas eu le chemin que j’ai pu suivre. Et ça, ça ne dépend pas vraiment de moi, ça ne peut être que Dieu. Disons qu’Il fait tout.
Maï… Côté jardin
Dans l’imaginaire populaire chez nous, pour qu’une femme puisse prétendre à une étoffe de carrière aussi riche et porter un tailleur professionnel haute couture, avec autant d’élégance et d’assurance à l’instar de Diarra Maïmouna Lydie, il faut de gros sacrifices. Soit elle a l’art de faire respecter et payer ses droits (de cuissage), dit-on. Soit elle a livré et sacrifier sa vie sentimentale sur l’autel de ses ambitions. Vrai ? Faux ? Etat des lieux dans le jardin privé de Maï…
« J’ai été mariée pendant dix ans. Mais, dans mon cas, je ne crois pas avoir sacrifié ma vie sentimentale. Parce qu’en ce moment-là, je n’avais pas la carrière que j’ai aujourd’hui…» Partant de ses expériences personnelles ou de sa philosophie de vie, Maïmouna Diarra a sa vision et une conception bien trempée des relations amoureuses. Ou du moins des rapports mari-femme. Et en la matière, c’est une femme qui se veut plutôt entière voire fusionnelle, que nous découvrons dès la première question. Car, pour elle, « non seulement on peut parler de tout dans un couple, mais il faut parler de tout. (…) Quant à savoir si on peut tout se dire dans un couple, là, je me réfère beaucoup à ma religion chrétienne. Et je dis ‘’tout est permis ici-bas, mais tout n’est pas utile’’ », précise-t-elle. Avant de nous signer un détail de taille : « Quand je dis ‘’tout est permis, mais tout n’est pas utile’’, ce n’est pas pour cautionner le fait que certains estiment que dans un couple chacun peut avoir son petit jardin secret. Non, c’est même dangereux ! Parce que je pense que quand on se marie, c’est un tout. On se marie avec une personne qui doit devenir votre meilleur ami, qui doit devenir votre père, votre mère, c’est selon. Et là donc, avoir son petit jardin secret, je dis non. »
Maï… En bref
*Une Licence en Anglais qui lui qui a permis de commencer à travailler… En tant que Prof d’Anglais.
*Un DESS en Ressources humaines qu’elle fait plus tard à l’INP.
*Un MBA qu’elle tente en ce moment de boucler à la Sorbonne. Mais, vu ses occupations, elle n’est pas très assidue.
*Nature/Tempérament : elle parait toujours très calme, comme détachée, mais en réalité, sait toujours exactement ce qu’elle veut. « Quand je prends un poste aujourd’hui, je sais où je veux être dans 5 ans, je sais où j’ai envie d’être dans 10 ans, etc. Et ç’a toujours été ainsi », souligne-t-elle.
*Ses enfants : Maï estime avoir « essayé de faire du mieux » qu’elle a pu pour ses deux enfants aujourd’hui à l’étranger pour leurs études. Professeur d’Anglais, elle avait du temps à consacrer à ses bout’ choux. Mais, lorsqu’elle se lance à la conquête de la lune, sa lune…, la distance (de ses absences pour raisons professionnelles) se creusa entre ses gosses et elle. « C’est vrai, pour une femme qui veut avancer, il faut plus de (gros) sacrifices que les hommes. Souvent, j’avais dix-sept à vingt voyages par an hors du pays. Donc, j’ai peut-être manqué mon rôle de mère en termes de présence auprès de mes enfants », pense-t-elle.
NB: Cette interview a été réalisée en 2009 à l’occasion d’un rendez-vous avec Mouna Lydie-Diarra qui venait alors de décrocher le poste de Directrice des Ressource Humaine depuis 4 mois chez Jumbo. Au moment où nous rééditons cette interview, elle est depuis quelques années maintenant Directrice des Ressources Humaines chez MTN Côte d’Ivoire. Un véritable modèle féminin que nous avons plaisir à republier pour inspirer ET booster le mindset des jeunes femmes d’ici et d’ailleurs.
Réalisée par Ameday KWACEE