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Quand l’un veut et l’autre n’aime pas…
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Les secrets jamais livrés sur le sexe oral dans les couples à Abidjan
Il paraît que les hommes en parlent avec délectation. Il se susurre que les femmes s’y abandonnent de plus en plus aisément. Et pourtant, sous la couette, la cerise de la pipe ou du cunni demandée sur le gâteaux des joutes intra-jambaires porterait des gros grains de discordes. Au point de pousser les un à aller ‘’s’arranger dehors’’, et d’autres, plus radicaux, à la rupture. Vrai ? Faux ? Etat des lieux et éclairages…
Corinne D., 37 bougies déclarées et assumées, Chargée de clientèle dans une banque à Cocody-Angré, se veut formelle : « Aujourd’hui, la fellation pour les hommes et le cunnilingus pour les femmes font partie des préliminaires ‘’normales’’. Que ce soit dans une histoire datée ou même pour la première fois, les hommes, particulièrement, fantasment grave là-dessus et n’attendent que ça. Alors, il faut bien leur fait plaisir, non ?», conçoit-elle.
Pour Corinne D., il y a belles lurettes que le sexe oral s’est invité dans les relations amoureuse et installé confortablement à la table des ‘’festins’’ charnels sous nos cieux. Et elle ne croit pas si bien dire ! Un sondage d’un échantillon assez représentatif de 500 Ivoiriens et résidents (entre 18 et 65ans), est assez édifiant : la fellation ou le cunni interviendrait dans 350 rapports sexuels, soit une moyenne de 70%. Quant aux 30% d’opinions ‘’opposés’’ à toute idée d’immixtion de la bouche dans leurs affaires intra-jambaires ? Selon des spécialistes (sexologues, psychologues…) cités par Psychologie Magazine, à y regarder de plus près, le sexe oral n’est pas toujours aussi « aisé à pratiquer » comme on aurait tendance à le (faire) croire.
A en croire une certaine Laura citée par le confrère, la plupart de ceux – hommes ou femmes – qui en parlent avec aisance l’appréhendent, voire le détestent, en réalité. « Même deux amies entre elles auront du mal à s’avouer un dégoût pour la fellation. Beaucoup prétendent aimer pratiquer [la fellation] uniquement pour donner une image de fille décontractée. C’est un mensonge », assure-t-elle.
Ici, Georgette K., la quarantaine passée, propriétaire d’un magasin de parfum et bijoux de marques à Abidjan-Cocody, ne s’en laisse pas conter non plus. Cette Ivoirienne moderne a aussi sa petite idée sur le sujet : « C’est vrai, aujourd’hui, il y a de moins en moins de tabou autour des questions de sexe. Mais le sexe oral n’est pas encore le genre de chose dont on parle facilement. Et les gens ne disent pas facilement la vérité là-dessus. Même avec ma meilleure amie, est-ce que je peux dire ouvertement que je le fais, que j’aime ça ou non, ou encore que je ne sais même pas comment on s’y prend ? » interroge-t-elle.
Pour Laura, « beaucoup prétendent aimer ou faire ça, juste pour donner une image de femme libérée qui sait s’occuper d’un homme au lit. Alors que souvent, ça les dégoûte».
Pour s’en faire une idée, il suffit d’écouter les mots qui justifient l’opposition farouche des 30% d’opinion ‘’dissidentes’’ : chez certains, le cunnilingus provoquerait « des envie de vomir ». A d’autres, la fellation donne « des hauts-le-cœur ».
La bouche : le baromètre du cœur ?
De fait, « à la différence de la pénétration, le sexe oral fait appel à des sens tels que le goût, le toucher, l’odorat. On peut être excité à la vue d’un être et être dégoûté par ses odeurs », explique Damien Mascret, médecin sexologue. Cependant, même si chaque cas est particulier et que l’hygiène reste essentielle en la matière, pour Marie-France B., « tailler une pipe, c’est fait trop bizarre, on dirait des animaux ». Pour Élodie A.K, « ça fait franchement pute ».
Ainsi, le sexe oral peut être pour les uns synonyme d’une ‘’friandise’’ qui agrémente la sexualité ou, pour d’autres, une situation d’avilissement. Et puis, à l’inverse, il y a ceux qui ont le sentiment de transgresser de vieux interdits (religieux ou coutumiers) en « suçant un homme » ou en « léchant une femme ».
Pour dame Géneviève E., responsable d’une structure de microfinance qui nous reçoit à son bureau à Cocody- Vallons, « aujourd’hui, parler de fellation dans la sexualité du couple est un sujet assez sérieux qu’il ne faut pas traiter en surface ». Pourtant, cette quinquagénaire, même si elle incarne à merveille le symbole de la femme africaine moderne, ne semble guère du genre à s’intéresser à un sujet aussi ‘’déplacé’’.
Un « foyer de concubinage réussi », quatre grands enfants, un rêve professionnel réalisé… une sexualité réussie. En somme, une vie « belle et simple » à faire rêver, vu de l’extérieur. En apparence seulement. Car, avant de croiser Jean-Jacques B., son mari (concubin) actuel, pendant 4 ans, Généviève E. s’était embarquée dans une « grosse erreur », pour emprunter ses propres termes.
« J’avais accepté et m’étais engagée en mariage avec Félix, un homme de mon église. Evidemment, j’avais déjà un passé. Mais avec lui, pour respecter les préceptes de l’église, c’est après le mariage que nous nous sommes autorisés à faire l’amour. La première fois, ça n’a pas été le grand pied, mais… tout est bien qui finit bien. En revanche, la deuxième fois, quelque chose s’est cassé en moi. Félix a beau se démener comme il pouvait, je n’arrivais pas à me libérer, je ne supportais plus ses baisers et tout le reste. J’ai fini par exploser un jour et je lui ai balancé : ‘’ Non, je ne peux pas ! Je veux plus !’’ ».
A partir de ce jour, c’est la décente aux enfers. L’alors jeune épouse, fervente chrétienne, a beau prier avec le soutien même de son époux, elle n’est plus jamais parvenue à se « libérer dans [sa] tête et dans [son] corps », pour se laisser aller au plaisir des baisers ou des préliminaires que son époux semblait pourtant apprécier tant : fellation et cunnilingus…
Il s’en est suivi un peu plus de deux années de sourde tension dans le foyer. Et la situation était d’autant plus difficile que la ‘’pomme de discorde’’ n’était pas le genre qu’on peut exposer sur la place publique. Fut-ce à un pasteur. « Vous nous imaginez disant au pasteur ou aux témoins de notre mariage : ‘’On ne s’entend plus parce que madame ne veut plus entendre parler de pipe ou de lèche dans le lit’’ ? »
Pourtant, dame Géneviève E. a toujours adoré les ‘’petits chichis’’ au lit et le revendique presque. « Mais avec mon ex-mari, ça n’a pas fonctionné (…) », se justifie-t-elle. Le divorce d’avec l’homme et, par ricochet, d’avec son église, n’a finalement pas pu être évité. « Notre mariage n’a duré qu’un peu plus de deux ans, avec un enfant de dix-sept ans aujourd’hui qui est l’ainé de mes quatre enfants », résume-t-elle.
Pour les spécialistes du sujet, la situation est simple : dame Géneviève E. ne pouvait pas continuer à pratiquer le sexe oral avec son ex-mari parce que, inconsciemment, elle ne l’avait jamais vraiment aimé. Et dame Généviève E. d’avouer : « Oui, aujourd’hui, je le reconnais. En fait, c’est comme bien de femmes de l’église hein ! Je m’étais engagée plus par besoin de me caser et par rapport à mon église que parce que j’étais vraiment amoureuse de Félix ». D’où le dégoût qui a fini par la ‘’posséder’’ au fil du temps et des rapports.
Ainsi, alors qu’on a tendance à lier le dégoût du sexe oral à des facteurs comme l’éducation ou le milieu social, il faut aussi compter avec nos freins intérieurs. La bouche, organe érotique par excellence, serait donc le barometre du cœur et du désir et aussi de l’intimité absolue et de ses mystères.
Ils sont partis… pour ‘’ça’’ !
« Elle détestait embrasser, était écœuré à l’idée de faire une fellation, et sa position préférée était que son partenaire se place derrière elle. Un jour, elle est tombé amoureuse plus intensément qu’auparavant. Et soudainement, elle a tout adoré faire. Sa sexualité s’en est trouvée bouleversée. Elle avait 55 ans.» Ce témoignage de Laura à propos de son amie Frédérique se recoupe avec nombre de confidences d’hommes et de femmes qui se sont prêtés à nos questions dans les rues d’Abidjan. Même si les schémas diffèrent quelque peu selon les cas, d’un côté, il y a ces hommes ou ces femmes frustré(e)s par un(e) partenaire coincé(e) sur le sexe oral. De l’autre, il y a ces hommes ou ces femmes vivant sous les pressions voire le chantage d’un(e) partenaire passionné(e) des gâteries buccales.
Dans un cas comme dans l’autre, les concerné(e)s tentent d’abord de raisonner le/la partenaire. Ensuite, ils/elles essaient de s’adapter. Mais, dans la plupart des cas, ils/elles finissent par craquer. Certains optent alors pour une ‘’bonne petite’’ ou un ‘’petit pompier’’ dehors pour ‘’compenser’’. D’autres, plus radicaux, à l’instar de Boubakar F., pompiste dans une essencerie à Koumassi, vont jusqu’à la rupture. Et l’assument !
Cependant, les raisons qui portent le plaisir des uns ou le dégoût des autres pour le sexe oral se réjoignent presque toutes. Parce que « le sexe oral est un arrêt sur image où l’organe génital de l’autre apparait en gros plan : il ne faut pas être effrayé par sa différence », selon Sylvain Mimoun, Gynécologue et Andrologue. Puis le spécialiste d’expliquer que « l’histoire de Frédérique montre combien une émotion forte l’a aidée à dépasser ses peurs. Elle a été débordée par le caractère nouveau de ce qui lui arrivait. Elle a dépassé son dégoût par le plaisir ». Dans d’autres cas aussi, on rencontre des femmes ou des hommes qui, tenaillés par la crainte d’être abandonnés (ou trompés) par leur partenaire, se transforment en véritables ‘’bêtes de sexe’’, prenant goût à des pratiques qui les dégoûtaient.
N’empêche ! Les femmes ne sont pas les seules à nicher l’expression érotique de leur amour dans la bouche. Un rapide tour de micro-trottoir et la lumière fut : certains de ces messieurs ‘’bien sous toutes coutures’’ n’aiment (même) pas embrasser ! Et ce, parfois, depuis qu’ils « connaissent femme ». Et pas seulement ! Leur dégout pour le cunnilingus va souvent de pair. Certes, les raisons masculines diffèrent de celles des femmes.
Mais au-delà des odeurs que redoutent ou répugnent la plupart d’entre eux, selon Sylvain Mimoun, c’est parce que « certains hommes ont du mal à se détacher du sein de la mère, qui a été leur premier contact sensuel. Leur bouche reste liée à la nourriture ‘’originelle’’, le lait maternel. Leur première source de plaisir est donc rattachée à cette jouissance buccale.» Résultat, difficile pour eux de ‘’risquer’’ leur bouche ailleurs.
En outre, pour bien des hommes, faire l’amour sans pénétration, c’est juste une façon de ne pas s’engager. Cette tendance fait d’alleurs de plus en plus d’émules dans les bars à strings, clubs privés et autres salons de massage d’Abidjan où des amateurs du genre s’offrent allègrement des gâteries buccales ‘’vite fait bien fait’’ entre deux verres. « Pour éviter les ennuis de maladies sexuelles », se justifient-ils.
Ne rien imposer, ne rien s’imposer
Tout comme Laura, aujourd’hui, dame Geneviève B. évoque, émue, le bonheur qu’elle a retrouvé avec son actuel compagnon : « Lui et moi, c’est un big love qui dure depuis onze ans. Et je peux vous assurer que je n’ai jamais eu de dégôut pour lui, bien au contraire ! C’est comme si j’avais été guérie et je peux vous dire à quel point tous ceux qui pratiquent une sexualité variée sont épanouis. »
Quant à Laura ? «(…) J’ai dû me souvenir que l’amour est un équilibre entre donner et recevoir, et je le réexpérimente. Il ne faut rien imposer à l’autre, mais ne rien s’imposer à soi non plus. Le plaisir amène le plaisir. Et cela demande du temps et de la douceur ». Car, en matière de sexe oral, plus qu’ailleurs, chaque cas diffère selon le partenaire et révèle les mystères infinis des alchimies amoureuses.
Mais attention ! Lorsque la fellation occupe une part trop importante dans la sexualité, cela soulève le même problème que la masturbation addictive chez certains hommes, qui n’arrivent plus à trouver une sexualité à deux. Il faut alors se demander pourquoi Monsieur aime tant la fellation ! Qu’une femme soit toute tournée vers lui et son plaisir, sans qu’il n’ait rien à faire, ne rappelle-t-il pas les soins que lui dispensait sa mère ? Comment Monsieur peut-il alors prendre sa position d’homme quand la fellation devient systématique dans la relation et, plus est, s’il y rejoue de façon récurrente ses besoins d’enfant ?…
Par Ameday KWACEE
Pour se sentir à l’aise
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Se rappeler que la sexualité est une création.
Il faut s’amuser à l’inventer, réessayer sans cesse, profiter de sa liberté, se sentir unique et jouir d’avoir tous les droits sur soi.
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Chercher à comprendre
Les raisons du dégout peuvent se révéler simples à résoudre si elles résultent de l’hygiène ou d’inhibitions liées à l’éducation.
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Accepter la fluidité des rôles
Le sexe implique de savoir donner et recevoir, et de ne rien exiger de soi ni de l’autre.
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Refuser les contraintes
« La sexualité est une des expressions de notre désir, si l’on n’est pas à l’aise avec le sexe oral, il n’y a aucune raison de s’y contraindre ». Dixit Catherine Blanc, psychanalyste et psychothérapeute.
In Psychologies Magazine